À Correns, on apprend mieux en chantant et on se mobilise contre le harcèlement scolaire

Les petites voix des enfants de l’école communale de Correns s’élèvent dans la cour de récréation. À la guitare, Stéphane Begnis, directeur et enseignant, les accompagne. Ils reprennent Les liens qui nous lient, un titre qui figure sur leur premier album. Des stars en herbe? Peut-être pour certains mais pour tous, l’album Nomades est le fruit d’un travail créatif, certes, mais aussi pédagogique.

« Depuis quatre ans, nous écrivons des chansons et nous avions envie de les graver sur un album. Nous avons été accompagnés pour formaliser notre projet En-chantons les apprentissages et avons obtenu 24 000 euros de subvention pour enregistrer quatre albums », résume Stéphane Begnis.

Une subvention octroyée dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) Éducation nationale : Notre école faisons-la ensemble.

« Se faire plaisir avec les mots »

« On essaie de faire perdurer cet esprit musical dans l’école, reprend le directeur. L’album Nomades, ce n’est pas seulement un projet de chansons, c’est un prétexte pour les apprentissages, pour progresser en orthographe, en vocabulaire et se faire plaisir avec les mots. »

Comme sur le premier opus, le voyage est au cœur du projet. La nature aussi.

« Allez, on part en voyage ! », propose Sylvia Auclair, musicienne et chanteuse qui intervient une fois par semaine dans les classes. En mer, d’abord avec les tout-petits de moyenne et grande section de Noémie Louvel.

« Partir en bateau dans les vagues… » là où les dauphins viennent sauter, les tortues nager et même les poissons voler « pourquoi pas », sourit Sylvia attentive à ce que chaque enfant s’exprime.

Et « les crocodiles? », « Et du surf? ». Les idées fusent. « Ah ça, on n’y avait pas encore pensé! », griffonne la musicienne sur son carnet de notes.

En anglais et en espagnol

Dans la classe de Nathalie Binder, on prend l’avion ou plutôt un concorde géant qui « déploie ses ailes », traverse des tempêtes et arrive en Amérique du Sud, « les pieds bien au sol, c’est important pour bien chanter », conseille Sylvia.

Et en Amérique du Sud, on s’émerveille, on cueille des fleurs et on chante en espagnol. « Holà, como estas? ». Et voilà les petits élèves de 3 à 6 ans racontant une histoire dans laquelle se croisent un chien qui aboie, court et creuse des trous, un lama beige qui adore écouter de la musique à fond et qui habite une maison. Sans oublier une grenouille verte qui saute, le tout dans une joyeuse ambiance.

Dans la classe de Stéphane Begnis, les CE2, CM1 et CM2 nous emmènent dans les arbres. Dans la « forest and jungle » plus précisément car le voyage se fait en anglais, ici, grâce à Hannah assistante anglaise qui intervient aussi au collège de Carcès dans le cadre du dispositif Émile (1).

« J’ai adoré créer la chanson, explique Maé. On a proposé plein de mots et elle les a traduits en anglais. Comme on connaît la chanson par cœur, on apprend plein mots en anglais. C’est plus facile. »

« On a fait aussi une chanson sur les USA », ajoute un camarade.

Les membres du chœur de Correns sont venus, en improvisation totale, mêler leur voix à celles des enfants, accompagnés par Raphaël au saxophone alto qui s’est aussi occupé des arrangements du premier album. Et le résultat est déjà impressionnant de rythme et de poésie.

Avec Elisa Clément, les élèves de CP, CE1 ont travaillé sur l’œuvre de Saint-Exupéry. « On a fait des petits ateliers philosophiques autour du Petit Prince ».

Avec Sylvia Auclair, ils se sont ensuite « amusés avec les phrases et se sont “envolés autour du monde” ». Et les élèves ont proposé de « déguster des arcs-en-ciel ». « C’est bien. Plus il y a de mots différents, plus notre chanson sera riche », encourage-t-elle pour « amener les enfants à être des artistes. »

Une chanson pour dire stop au harcèlement scolaire

« Ce n’est pas normal d’avoir peur quand on va l’école. L’école est faite pour apprendre, mais aussi pour être heureux. Alors quand on y va la boule au ventre, il faut en parler à ses parents, à sa maîtresse, à son maître. Il ne faut pas hésiter à le dire. C’est notre responsabilité, à nous, les adultes, de trouver des solutions et de vous aider, rappelle Natacha Chicot, rectrice de l’académie de Nice, venue assister à la préparation du deuxième album des jeunes Corrensois sur lequel sera enregistrée la chanson Stop. La chanson est déjà une solution car cela peut vous permettre à travers les paroles de vous dire que ce n’est pas normal ce que je vis ou ce que mon copain vit au quotidien. »

« C’est un sujet qui touche tout le monde. Les élèves ont écrit cette chanson ensemble. C’est une façon d’y penser, de se souvenir qu’on est une communauté, qu’on vit ensemble », ajoute Stéphane Begnis.

Les enfants, deux par deux, apprennent à faire confiance, à exprimer leur émotion, à dire “non” par des petits exercices de préparation. « Prenez le temps de tomber, il y aura toujours quelqu’un pour vous rattraper « , rassure Sylvia Auclair.

Accompagnées par Stéphane Begnis à la guitare quatre élèves de CM2 commencent : « Seule assise sur les bancs de la cour de l’école, j’entends derrière moi les enfants qui rigolent, je suis leur cible et ils jouent leur rôle… »

« Je dis stop à la souffrance d’être humilié encore, d’être insulté encore, d’être harcelé encore », entonne en chœur l’ensemble de leurs camarades.

Des mots d’enfant, des mots forts qui n’ont pas laissé indifférents ni la rectrice, ni Christian Abrard, préfet honoraire.

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Natacha Chicot, rectrice de l’académie de Nice, a rappelé aux élèves l’importance de parler et le numéro dédié aux victimes, témoins et à leur famille.

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