« Ils font tout pour ne pas évoquer la sécheresse »: le long combat des Varois pour se faire indemniser leurs maisons fissurées

Sous ses faux airs décontractés, Luke Dillon-Mahon serre discrètement les mâchoires. Derrière lui, une maison vieille de 200 ans s’étire sur 105 m². Une belle demeure cachée dans les hauteurs de Claviers, cernée d’oliviers et de murets en pierres sèches. Un paysage de carte postale.

Mais le rêve provençal s’évanouit aussitôt. « J’emménage ici à l’année pour sauver le bien familial », annonce le trentenaire, soutenu par son épouse Aurélie-Anne. Car, à bien y regarder, la demeure prend vite des allures de fruit gâté.

Les murs se fendent en pléthore de fissures plus ou moins larges, certaines béantes. Le carrelage saute; les joints se décollent; les portes et les fenêtres se déstructurent et refusent, à terme, de s’ouvrir. « Si nous n’agissons pas, prévient Aurélie-Anne, les poutres vont peu à peu pousser les murs jusqu’à éventrer la maison. »

RGA, coupable tout désigné

Comment expliquer un tel désastre? Tout se passe sous les pieds de la famille Dillon-Mahon. « Les sols argileux se rétractent lors des périodes de sécheresse et gonflent au retour des pluies, lorsqu’ils sont de nouveau hydratés », détaille Géorisques, outil gouvernemental de sensibilisation aux risques naturels. Un phénomène appelé retrait-gonflement des argiles (RGA).

Ces mouvements de « respiration » lents, mais puissants, de la terre s’accentuent au gré des sécheresses et des inondations de plus en plus extrêmes. Et les fondations de la maison sont malmenées, jusqu’à la fissuration…

« Le début d’un long combat »

Selon la loi, les RGA sont normalement « indemnisables au titre des catastrophes naturelles (CatNat) », poursuit Géorisques. Début mai, 103 communes du Var étaient reconnues par décret interministériel pour bénéficier de l’aide des assurances. Six autres viennent de rejoindre la liste fin septembre. Conséquence des multiples fissures apparues suite à l’intense sécheresse de 2022.

Sauvé? Pas vraiment. Une phrase revient, lancinante. Certains la prononcent le nœud au ventre, ou entre deux tocs nerveux: « Mon dossier d’indemnisation a été classé sans suite. » De Claviers à Draguignan, en passant par La Verdière ou Pourrières, les démarchent achoppent les unes après les autres.

« Avoir des fissures, c’est souvent le début d’un long combat pour faire reconnaître ses droits », admet Aurélie-Anne, qui a vu son dossier sauter en juin 2019. La raison? « L’éventuel phénomène de RGA ne peut être qu’un facteur aggravant », résume le rapport d’expertise, que Var-Matin a pu consulter. Or, pour que le sinistre soit indemnisable, la sécheresse doit en être la cause « déterminante ». C’est la règle.

Malfaçons, végétation trop proche de la maison, absence de gouttières, etc. « Toutes les parades sont possibles pour ne pas évoquer la sécheresse et classer sans suite », éructe Hugues Leborne, sinistré vidaubanais.

Une souffrance psychologique

Expertise, contre-expertise, sur-contre-expertise, angoisse, stress, insomnie… « Se rendent-ils seulement compte des dégâts psychologiques qu’ils causent? », lâche avec colère Frédéric Allard, Pourriérois contraint de mettre en vente sa maison fissurée pour rembourser la fin de son crédit, faute d’indemnisation. La situation est à la limite du soutenable pour cet artisan boulanger: « Je vais devoir m’éloigner de mon père de 92 ans, alors qu’il a besoin d’aide. On n’arrive plus à se projeter », lance-t-il, la voix tremblante.

« J’ai du mal à dormir, car j’ai ce nœud qui me tord constamment l’estomac », confie de son côté Nathalie Richard, locataire d’une maisonnette à Draguignan au bord de la rupture. La propriétaire, Christiane Lorenian, est en pleine démarche avec l’assurance.

Mais sa résidente n’y croit pas: « Ils ne vont pas valider le dossier, il y aura forcément quelque chose. »

Alors, pour beaucoup, c’est l’abandon. Agrafes et crépis « feront l’affaire » en attendant l’inéluctable. « Car, une fois que les fissures sont là, cela ne va faire que s’aggraver », prévient Stéphane Graindorge, expert d’assurés chez OpenGroupe. « Je n’ai ni la force, ni le temps, ni l’argent pour partir en contentieux contre mon assurance », admet Frédéric Allard, écœuré. D’autres, au contraire, tiennent bon. « On ne lâchera rien, jamais », martèle Luke Dillon-Mahon. « Mais il faut être armé pour se battre, nuance sa compagne Aurélie-Anne. « Je suis notaire, mon mari est marchand de biens. Ça nous avantage car on connaît le milieu… »

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Les lézardes en forme d’escalier sont caractéristiques de la sécheresse. Photo Florian Escoffier.

Dans le Var, des milliers de maisons très vulnérables

À deux pas du camping de la Foux, à Draguignan, c’est un quartier entier qui s’affaisse dans le sol.

« La source qui coulait à proximité s’est asséchée il y a deux ans. Sans humidité, la terre ne tient plus », constate Nathalie Richard, locataire depuis neuf ans d’une petite maison aujourd’hui percluse de fissures.

Un naufrage immobilier qui menace presque la moitié de l’Hexagone selon France Assureurs, principal organisme de représentation professionnelle des entreprises d’assurance en France. Dont le Var. « La région est particulièrement touchée par le phénomène de retrait-gonflement des argiles (RGA), notamment les communes de Draguignan et Brignoles à cause de la géologie en place: Le Trias », révèle Alexandre Dalleau, ingénieur-géologue au cabinet d’expertise des sols Géosciences conseils, basé à Carcès.

La faute au sol argileux, mais pas que: « Nous retrouvons généralement le Keuper, qui est une formation géologique dans laquelle se trouvent de l’argile en abondance, des marnes, des bancs rocheux calcaires et parfois du gypse. »

Ce dernier est une roche qui se dissout en contact avec l’eau. Et qui provoque des glissements de terrain, donc des lézardes… « Mais ne comptez pas sur le gypse pour être indemnisé, tient à avertir Jacques Ifergan, expert d’assurés chez Omega Expert. Les assurances ne prennent en compte dans le contrat que le RGA. »

274.564 logements exposés à un aléa moyen ou fort

Le rythme des sinistres s’accélère, de plus en plus insoutenable. « Nous constatons une hausse de nos missions depuis 2015, car les épisodes de sécheresse s’intensifient », souligne Alexandre Dalleau. Un constat que font tous les professionnels du secteur interrogés.

Logique. « Six des neuf années les plus sinistrées sont post-2015 », révèle France Assureurs, dans un rapport fin 2022. Une véritable bombe à retardement économique. D’ici 27 ans, le coût cumulé du changement climatique « expliquera plus de la moitié de la hausse du coût de la sécheresse […] et représentera le premier facteur inflationniste, devant l’effet richesse, avec 7,4 milliards d’euros », d’après une infographie de la fédération.

Des sommes énormes qui font sens au regard du nombre de maisons vulnérables au RGA rien que dans le Var: 274.564 logements sont exposés à un aléa moyen ou fort, dont 169.903 construits après 1976, à en croire une cartographie réalisée par le ministère de la Transition écologique, en juin 2021.

À l’échelle nationale, on trouve le chiffre – vertigineux – de 10 millions de maisons menacées.

Six départements en regroupent la moitié, par ordre décroissant: le Gers, les Bouches-du-Rhône, le Lot-et-Garonne, les Alpes-de-Haute-Provence, le Tarn et la Haute-Garonne. 

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